vendredi 27 avril 2012

Finca Bona Fide: une belle semaine de dur labeur


D'abord, un mot sur la ferme Bona Fide. C'est une organisation à but non lucratif qui a été inaugurée en 2001 sur un terrain vague de 18 hectares. Cette ferme se spécialise dans la permaculture et vise principalement à soutenir les communautés rurales agricoles. La permaculture s'oppose au concept de monoculture, c'est-à-dire qu'on privilégie la mise en place d'un écosystème logique plutôt que l'imposition d'un mode de culture uniforme basé uniquement sur la productivité. En fait, chaque élément a son utilité dans la chaîne, c'est la base même d'un mode de production durable. Cela étant dit, nous ne vous ferons pas un cours sur ce blogue. Nous vous suggérons d'aller jeter un coup d'oeil au site Internet du projet BonaFide.


Alors, c'est tôt le matin que nous prenons le sentier qui mène de notre auberge en montagne à la ferme Bona Fide. C'est aujourd'hui que nous commençons à travailler, difficile après dix mois de pure liberté, mais nous avons besoin de nous sentir utile et de contribuer à quelque chose. La première journée est consacrée à notre formation. Le coordonnateur de l'endroit, Tom, est particulièrement sympathique et nous fait visiter l'endroit et nous explique la vision du projet. Plus tard, il nous présente notre hébergement, nommé le Love Shack. C'est définitivement l'hébergement le plus intéressant de la ferme. C'est une grande hutte circulaire en bambou située au fond du jardin avec lit douillet équipé d'un filet. Confortablement couché dans le lit, on peut admirer le coucher du soleil.

Nous finissons la matinée à déplacer des meubles du coin-cuisine vers le jardin puisque des travailleurs viennent sous peu refaire le toit avant la saison des pluies. Évidemment, les travailleurs attendus sous peu arrivent une semaine plus tard... bienvenue en Amérique latine!

En après-midi, Rachel profite d'un atelier organisé par une famille locale. Elle participe au tissage de paniers et elle réussit à tisser un beau plat à fruits qu'elle doit malheureusement laisser sur place, faute de place dans ses bagages.

Le lendemain, le réveil sonne à 6h. Nous avons bien dormi dans notre hutte. Une chance puisque le vrai boulot commence pour de bon. Quelques détails sur les horaires. À la ferme, les bénévoles travaillent du lundi au vendredi, de 6h45 à midi. Il y a une pause déjeuner entre 8h et 8h45. Les après-midi et les fins de semaine sont libres. Hors des heures de travail, il est possible de s'impliquer dans d'autres projets ou activités selon nos compétences et nos champs d'intérêt (enseignement de l'anglais, jardinage, reboisement, aide dans d'autres organisations, etc.).

Cela étant dit, nous sommes prêts et motivés à mettre la main à la pâte. Dans le but de varier le travail, les bénévoles peuvent choisir une tâche différente chaque jour. Cette façon de fonctionner nous plaît puisque nous expérimentons plusieurs tâches, nous faisons des trucs que nous ne pensions jamais pouvoir faire, par exemple cueillir des caramboles, couper des bananiers et nourrir des cochons.

L'arrosage des plants est certainement une des tâches les plus difficiles. Il faut remplir deux seaux d'eau à partir d'un large réservoir pour ensuite les transporter sur quelques dizaines de mètres jusqu'aux plants. Nous ne comprenons pas la raison pour laquelle il n'y a pas de points d'eau plus près des plants alors que le plus grand lac du pays est situé un peu plus bas. Ce n'est pas notre tâche préférée, mais ce n'est pas la fin du monde. C'est bon pour les bras et le tonus. 

Guillaume fait plusieurs fois cette tâche puisque les filles l'évitent. Un matin, tout enjouée, Rachel lève sa main à la mention de cette tâche. Son sourire disparaît assez vite. Elle est toute trempée de sueur et d'eau, tentant de rattraper le groupe et laissant tomber la moitié de l'eau en chemin.

Rachel trouve son bonheur lorsqu'on lui met une machette dans les mains. Elle coupe des bananiers et transporte les troncs et les feuilles au jardin pour préparer la terre. Nous apprenons qu'une fois les bananes récoltées, il faut couper leur plant. Rachel entretient aussi les cocotiers. Elle doit les nettoyer de toutes les branches mortes et récupérer les noix de coco prêtes à manger. 

Parfois, elle doit s'acharner sur une branche qui ne cède pas et parfois il y a de petites surprises: une colonie de coquerelles, des vers blancs par centaines. Rachel s'occupe aussi des palmiers. Elle doit les fendre et récupérer leur coeur. Leur tronc épineux complique la chose, mais elle s'en sort bien. Elle prend aussi des pauses pour boire de l'eau de coco fraîche.

Pour sa part, Guillaume aime s'occuper des animaux. C'est d'ailleurs de loin la tâche la plus populaire. Il faut nourrir et abreuver les poules, les cochons et une chèvre. Certains ont peur des cochons, mais nous, nous les avons adorés. C'est vrai qu'ils n'hésitent pas à vous bousculer pour avoir accès plus rapidement à la nourriture que vous leur amenez, mais il suffit d'avoir le tour. Notons qu'un cochon se sauve lorsque Rachel est dans l'enclos. Il réapparaît 30 minutes plus tard et se vautre dans sa marre d'eau, tout excité d'avoir gambadé un peu.

Pour ce qui est du compost animal, il faut collecter les excréments séchés de vache et de cheval pour ensuite frapper dessus avec un bambou. Au final, on obtient du compost. Toute cette merde attire la vermine et donc les prédateurs. Un jour, deux bénévoles arrivent devant un monticule de compost et tombent sur un serpent en train de manger un rat. Elles devaient remuer le mélange avec leurs bras pour déplacer les vers dans le but d'améliorer la qualité du compost, mais c'est chose remise.

Un jour, nous travaillons tous les deux dans le jardin, au gros soleil. Nous transportons des roches, remuons et arrosons la terre. Après plusieurs voyages de roches, nous avons les bras morts. Guillaume réalise qu'il y a une brouette qui n'est pas utilisée. Il décide de montrer son utilité aux Nicaraguéens. Malgré l'efficacité de la brouette pour cette tâche, ils préfèrent traîner tout à bout de bras. Bon, c'est un choix.

Il y a plusieurs autres tâches à la ferme. Nous faisons la cueillette des fruits et légumes mûrs, nous ramassons du bois, aidons les cuisinières, bricolons des affiches pour un échange de plants en ville, récupérons les graines des fèves et bien plus encore. Nous sommes bien heureux lorsque le week-end arrive. Le samedi, nous profitons de notre temps libre pour nous rendre à Merida dans le but de nous baigner dans une cascade. Nous partons un groupe de dix personnes avec l'idée de prendre l'autobus, mais il n'y en a pas avant l'après-midi. Nous décidons donc de marcher. Sous le soleil, nous arrivons brûlés à Merida, les doigts pleins de mangues, notre seule collation en chemin. Tout le monde s'écrase dans un hamac et boit des batidos de coco (lait frappé et glacé) et de mangues. Finalement, nous n'allons pas à la cascade qui se trouve en montagne. C'est plus de 4h de marche aller-retour. Nous prenons congé du groupe et revenons sur le pouce pliés en quatre dans la boîte d'un couple californien. Nous nous baignons dans le lac et nous reposons.

Le dimanche, nous partons monter le volcan Maderas avec quelques bénévoles. Contrairement à nos habitudes, nous prenons un guide, un jeune de 23 ans, qui fait la montée plus de 150 fois par année. Il nous informe de lui faire signe si nous voulons prendre une pause. Quant à lui, il dit ne pas en avoir besoin. Nous faisons la montée la plus rapide depuis le début de notre voyage. Nous courrons pratiquement. Notre machine est au ralenti depuis quelques semaines, ce qui fait que nous suons abondamment. En haut, nous nous reposons 1h devant le cratère. Quelques courageux se baignent dans le cratère boueux. La descente est aussi rapide et nous fait mal aux genoux. Nous sommes heureux d'avoir monté ce volcan en groupe. Nous avons fait connaissance avec d'autres bénévoles.

À la ferme, nous mangeons extrêmement bien. Les deux premiers repas de la journée sont préparés par des cuisinières nicaraguéennes. Ils sont variés et nutritifs. Le café est fraîchement moulu. Le repas du soir est préparé par les bénévoles, chacun son tour. Pendant ce temps, les autres s'installent dans l'arbre au-dessus du coin salle de bain et admirent le soleil se coucher sur le volcan Conception, l'un des plus symétriques au monde.

Les repas du soir que nous cuisinons sont sensationnels. Malgré qu'il n'y a pas de réfrigérateur et qu'il faille utiliser les ingrédients disponibles, les chefs usent d'imagination et cuisinent des plats exquis. Par exemple, nous mangeons des tortillas de maïs préparées sur le moment avec des grains de maïs, nappées d'une sauce au chocolat et d'une salsa à la mangue. Lorsque c'est notre tour de faire le souper, nous préparons un curry coco, jaquier et lime. 

D'ailleurs, Guillaume passe 1h à ouvrir et à râper des noix de coco pendant que Rachel et une anglophone de Montréal récupèrent les grains et la chair des jaquiers ramassés plus tôt en grimpant aux arbres. Ce fruit qui peut avoir la taille d'une énorme pastèque est issu de l'Asie. À la ferme, il est très populaire puisque sa chair orangée est délicieuse et que ces graines, une fois bouillies, ont le goût et la texture d'une pomme de terre. Par contre, les Nicas ne semblent pas prêts à intégrer ce fruit dans leurs habitudes alimentaires.

Nous aimons beaucoup notre séjour à la ferme. Les tâches sont exigeantes, mais variées. L'hébergement est confortable et tranquille, sauf pour la nuit où nous trouvons un scorpion bien installé à l'intérieur du filet et l'autre fois où nous voyons des coquerelles de la grosseur d'une main courir sur le plancher de terre. La nourriture fait rêver. Les aliments proviennent directement de la ferme, ils sont frais comme jamais.

Nous aimons beaucoup la façon de gérer les déchets. Il y a trois contenants: un pour les légumes et les fruits qui servent au compost, un pour les pelures de banane déchiquetées pour le compost des vers et un autre pour le poisson et les restes de table qui vont aux cochons. Tous les autres déchets sont compactés dans des bouteilles de plastique vides qui serviront de brique pour un bâtiment quelconque. Nous aimons aussi le fait que notre argent (15$ par jour) aille directement à la vingtaine de locaux qui travaillent à la ferme.

La principale chose qui nous rebute à la ferme, c'est la barrière linguistique. En fait, tous les bénévoles parlent l'anglais comme première langue. Il est donc plus difficile pour nous de nous intégrer, surtout dans des conversations en groupe lorsque les référents nous sont inconnus. Aussi, la plupart des bénévoles sont à la ferme depuis plusieurs mois, ce qui fait qu'il est plus difficile de s'intégrer rapidement.

Malgré tout, nous avons du plaisir avec certains et c'est très bien ainsi. C'est en quittant la ferme que nous nous disons que nous aurions aimé y rester un peu plus longtemps pour mieux connaître certaines personnes.

Nous sommes quand même heureux de poursuivre notre route. Cap sur Granada.


* Quelques photos ont été prises par une amie rencontrée à Bona Fide.

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