samedi 7 avril 2012

Canal de Panama comme teneurs de lignes: d'un océan à l'autre


Tout voyage au Panama passe nécessairement par une visite du canal. La plupart des touristes se rendent dans un édifice près des écluses de Miraflores pour observer les bateaux de loin. À nos yeux, cette activité au coût de 10$ constitue une expérience particulièrement ennuyante.


Heureusement, il est possible de traverser le canal de Panama gratuitement en donnant un coup de main aux capitaines de voiliers. En effet, la loi oblige les capitaines à prendre quatre personnes à bord de leur embarcation afin qu'elles tiennent les cordes qui relient le bateau de plaisance au rivage des écluses du canal pour le garder bien au centre. Le travail consiste à tendre ou détendre une corde selon la montée ou la descente des eaux. Puisque nous n'avons jamais mis les pieds sur un bateau, hormis sur celui du père de Rachel, nous nous demandons si nous réussirons rapidement à convaincre un capitaine de nous prendre à bord.


Au retour des San Blas, nous sommes déçus de constater que la pose de nos affiches n'a pas porté ses fruits, ce qui nous oblige à nous diriger à Fort Shertman (ancienne base américaine) du côté Pacifique. Malheureusement, le transport en commun ne se rend pas jusque-là, ce qui nous oblige à pendre un taxi. Arrivés dans cette marina luxueuse, Guillaume part à la recherche d'un bateau qui traverse le canal le lendemain et Rachel squatte la piscine. Après 1h de jasette sur les ponts, Guillaume revient un peu démonté. Nous nous rendons compte que notre projet sera plus difficile à se réaliser que prévu puisque les capitaines n'attendent pas à la dernière minute pour trouver leurs teneurs de lignes. Aussi, il y a de moins en moins de bateaux qui traversent le canal par jour, faute de personnel.

Nous gardons confiance. Assez rapidement, le bruit se propage dans cette petite communauté fermée. Les gens parlent de nous qui sommes disponibles pour aider. Nous restons près du bar pour écouter les commérages. Rachel s'offre un repas au restaurant, alors que Guillaume mange une boîte de thon pour économiser.

En fin de soirée, une femme nous propose de faire la traversée quelques jours plus tard. Nous acceptons, même si cela implique de passer quelques jours supplémentaires au Panama et de rejoindre nos amis au Costa Rica un peu en retard. Nous dormons dans notre tente près d'un ancien bâtiment militaire en compagnie des singes hurleurs.

Le lendemain matin, un homme nous interpelle et nous demande d'être teneurs de lignes une journée avant notre date de traversée prévue. Il s'organise avec notre capitaine, bien contente de nous laisser aller puisque des amis proches lui ont finalement offert leur aide.

Notre nouveau capitaine nous offre de nous mener en catamaran à Colon, la ville la plus proche. Nous faisons notre première sortie en mer et nous évitons le taxi au retour. Nous passons une nuit à Panama City en attendant le jour de la traversée.

Le matin du jour J, nous nous levons tôt et partons pour Colon. L'équipage est détendu et nous prenons une bière pour commencer la journée du bon pied. Un mot sur l'équipage. Notre capitaine est un Allemand de Munich. Il est accompagné d'un Belge et d'un autre Allemand qui l'aideront à traverser le Pacifique dans quelques jours. Le capitaine travaille depuis trois ans à faire l'aller-retour avec des touristes entre le Panama et la Colombie via les San Blas afin de financer son voyage. Il navigue depuis dix ans autour du monde.

Une fois bien prêts, nous partons en catamaran vers l'aire d'attente. Il est midi. Un officiel du canal nous rejoint et nous informe que nous commencerons la traversée à 15h. Deux autres bateaux feront la traversée avec nous et nous devons nous attacher ensemble avec des cordes. Les capitaines font les manoeuvres et le stress monte énormément, sauf de notre côté. Nous restons calmes. Les Américains qui font la traversée avec nous sur un petit voilier sont particulièrement hystériques.

Une fois les bateaux liés ensemble, nous partons vers les écluses Gatun, la porte d'entrée Atlantique. Pour la première montée, Guillaume et Rachel sont spectateurs, mais Guillaume prend la relève pour la deuxième partie jugée la plus difficile par l'officiel. Finalement, le travail est assez facile: il suffit de tirer fort la corde et de la bloquer ou de la relâcher un peu selon les besoins. C'est un peu le même principe que l'escalade.


Près des écluses Gatun, nous pouvons admirer une partie du premier canal creusé par les Français. Au fur et à mesure que l'eau monte, nous avons une jolie vue sur l'Atlantique et sur les bateaux qui attendent leur tour. Un porte-conteneurs passe avec nous puisque, comme vous pouvez vous l'imaginer, le personnel du canal n'utilise pas des millions de gallons d'eau pour faire passer seulement trois petits bateaux.

C'est très impressionnant de voir que notre travail manuel est effectué par des wagons de train aux abords du canal qui stabilisent les porte-conteneurs avec des câbles d'acier. Après les écluses Gatun, nous traversons le lac artificiel Gatun créé afin d'alimenter en eau le canal, mais surtout, d'éviter de creuser des dizaines de kilomètres supplémentaires. La traversée prend quelques heures et nous en profitons pour manger. Il est déjà tard et nous faisons une petite sieste.

Nous entreprenons finalement le passage des écluses Pedro Miguel, mais les autorités du canal nous apprennent qu'il manque de personnel. Nous faisons donc la suite de la traversée en nous appuyant sur une paroi des écluses, un cauchemar pour les capitaines qui veulent éviter à tout prix de s'approcher de ces parois dangereuses. La suite se passe finalement bien, mais nous devons à plusieurs reprises intervenir avec des bouées et repousser le bateau avec un bâton pour éviter un contact avec le mur de béton. Rachel réussit à éviter un contact dangereux en effectuant une forte pression sur le mur à l'aide du bâton.

Finalement, nous arrivons aux écluses de Miraflores, les dernières avant le Pacifique. C'est ici que nous serions si nous avions décidé de faire la visite classique. Heureusement, nous avons la chance d'être ici, au milieu des écluses, en train de participer aux activités et d'observer les bateaux-usine amassant les sédiments et les travaux d'agrandissement du canal.

Guillaume prend les commandes pour la dernière partie supposément facile. Surprise! Le mélange de l'eau salée et de l'eau douce crée un tourbillon et les bateaux ont de la difficulté à garder leur position. Avec beaucoup d'efforts de la part de tout le monde, nous arrivons à garder le contrôle. La dernière porte s'ouvre et nous sommes maintenant sur le Pacifique. Nous passons sous le pont des Amériques qui nous indique que nous continuons le voyage sur un nouveau continent.

À 4h du matin, nous arrivons à Panama City et nous buvons une bière pour fêter le passage. Nous dormons quelques heures seulement dans la cale du catamaran puisque le lendemain nous partons à toute vitesse pour le Costa Rica.

Panama et son canal

- Le canal a 80km de long.

- Les bateaux sont construits selon les dimensions du canal (305m de long par 33,5m de large).

- En 2006, le Disney Magic paie une taxe de 330 000$, tandis qu’en 1928 Richard Halliburton paie une taxe de 36 cents pour pouvoir franchir le canal à la nage.

- Les Français commencent la construction du canal en 1881.

- Près de 22 000 personnes meurent de la malaria et de la fièvre jaune lors de la construction.

- La Compagnie universelle canal interocéanique fait faillite huit ans plus tard.

- Les Français tentent de vendre aux États-Unis les travaux, mais la Colombie refuse (le Panama est alors une province de la Colombie).

- Le Panama déclare son indépendance et les Américains envoient une flotte pour parer toute attaque de la Colombie.

- Les propriétaires du canal signent une entente avec les États-Unis avant que la délégation panaméenne arrive pour négocier.

- Le traité prévoit que les Américains sont propriétaires du canal à perpétuité, ainsi que d'une bande de 8km de part et d'autre du canal. Les États-Unis ont aussi le droit d'intervenir dans les affaires internes du Panama.

- En 1904, les Américains poursuivent la construction du canal avec 75 000 hommes et finissent les travaux dix ans plus tard.

- Pendant la présence américaine, la zone du canal est américaine avec des bases militaires, des écoles, des commerces. Un pays dans un pays.

- Le traité cause des tensions entre le Panama et les États-Unis. Alors, Jimmy Carter négocie un traité permettant au Panama de reprendre le contrôle du canal en 1999.

- En 1983, un ancien agent de la CIA, Manuel Noriega, prend le pouvoir grâce à un putsch. Il se lance dans le commerce de la drogue.

- En 1989, il déclare la guerre aux États-Unis et fait tuer des militaires américains en civil dans un bar de Panama.

- Les États-Unis répliquent avec l'opération Just Cause: 26 000 militaires sont déployés ainsi que plusieurs avions et chars d'assaut.

- Noriega se sauve dans l'ambassade du Vatican et les Américains font le siège de l'ambassade en faisant jouer du heavy métal jour et nuit.

- Le dictateur se rend finalement et est jugé aux États-Unis.

- L'opération cause la mort de 500 à 4000 civils panaméens.

- En 1999, les États-Unis se retirent du Panama, causant un trou dans l'économie.

- Aujourd'hui, le Panama entreprend des travaux d'agrandissement du canal afin de permettre le passage des mégabateaux conteneurs.

* Toutes les photos sont tirées de Flickr (utilisateurs variés).



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