jeudi 8 novembre 2012

Istanbul : iki çay lütfen (deux thés svp)

La démesure. Il n'y a pas d'autre mot pour décrire Istanbul, cette mégapole de douze millions d'habitants où se côtoient les extrêmes : modernité et tradition, laïcité et islamisme, richesse et pauvreté. Disons que notre séjour à Istanbul, l'une des plus vieilles et grandes villes d'Europe, nous met rapidement dans l'esprit du voyage.

Après une nuit blanche passée dans l'avion qui nous mène de Montréal à Istanbul (vous connaissez le topo : bouffe d'hôpital, peu d'espace pour les jambes, films de série B), nous mettons le cap vers l'appartement d'un jeune étudiant qui s'est offert pour nous héberger cinq nuits (via Couchsurfing). Étant donné que nous sommes sur le décalage horaire, nous piquons un somme dans un parc avant de faire sa rencontre, question d'être plus présentables. Son accueil est chaleureux. Il nous prépare le souper, nous fait faire le tour du proprio et nous indique notre chambre. C'est le bonheur. Le mec est sympathique et son appartement luxueux est confortable. En plus, nous adorons son quartier, l'authentique Şişli, que nous n'aurions probablement pas visité sans son invitation.

Dès le lendemain, nous attaquons de front le grand bazar. Grand, c'est le mot juste puisqu'il est facile de se perdre dans ses nombreuses allées où l'on trouve épices, bijoux, tapis, lampes et autres babioles. Nous remontons ensuite vers les anciens quartiers bourgeois près de l'université et visitons la mosquée Süleymaniye, une des plus belles d'Istanbul, surtout pour la vue imprenable sur la ville à partir de sa cour arrière.


Nous nous réhabituons au muezzin du haut du minaret qui récite cinq fois par jour la prière pour ses fidèles. En Jordanie, nous nous réveillions chaque nuit tellement l'appel était fort. Cette journée se termine par un bon sandwich au poisson sous le pont qui traverse la Corne d'Or. Après une longue journée de 12h, nous rentrons tranquillement à Şişli. Le Couchsurfing, c'est bien pour rencontrer des gens de partout dans le monde et économiser quelques sous, mais bien souvent, il faut quitter l'appartement tôt le matin et rentrer lorsque notre hôte revient du boulot ou de l'école. 


Dans notre cas, ce principe nous oblige à sortir tôt du lit et à profiter de notre passage à Istanbul. Chaque matin, un peu assommés par la fatigue, nous prenons le thé dans la rue, attablés à une petite table basse, et observons le quotidien des gens : les marchands de rues qui hurlent pour vendre leurs cossins, les voitures qui roulent sans s'arrêter et les piétons qui zigzaguent entre elles et les femmes en hijab (burqa et niqab)  qui nous rappellent que nous sommes aux portes du Moyen-Orient.


Pour ceux qui n'étaient pas attentifs pendant leur cours de géographie, Istanbul est divisée en deux parties par le détroit du Bosphore. Une partie de la ville est en sol européen et l'autre partie, en sol asiatique. De plus, le côté européen est séparé par la Corne d'Or. Inutile de vous dire que l'eau a joué un rôle majeur dans le développement de cette ville. C'est d'ailleurs pour mieux comprendre ce rôle que dès notre deuxième journée nous prenons un bateau sur le Bosphore vers les îles des Princes. Nous avons alors une meilleure idée des ramifications tentaculaires de cette ville sans fin lorsque nous l'observons du large.

Sur l'île Adalar, nous louons des vélos et entreprenons une randonnée autour de l'île qui se termine par une petite baignade dans la mer de Marmara. Fait inusité : l'île est peuplée de chats errants que la population locale nourrit. Rachel ne peut s'empêcher de lancer quelques morceaux de notre lahmacun (pizza turque) aux chats qui rôdent près de notre table.
En soirée, notre hôte, Mert (il faut prononcer Marrrt), nous amène prendre le thé au pied du pont qui relie l'Europe à l'Asie. Il nous apprend quelques mots turcs et se fout de notre gueule lorsque nous essayons de bien les prononcer. Pas évident d'apprendre cette langue.


Dans un élan d'excitation, il pousse Rachel à tenter sa chance au tir à la carabine à plombs, une tradition nationale. Elle doit crever des ballons placés à une quinzaine de pieds de la berge, à la surface du Bosphore. Elle réussit à nous épater. Elle aime l'expérience. La prochaine fois, ce sera l'AK-47 au Pakistan ou le lance-roquettes en Somalie. Au retour, Mërt nous fait goûter quelques spécialités turques dans la rue. Chez lui, il nous prépare le sahlep (lait chaud, racine d'orchidée moulue, cannelle). C'est un pur délice. Nous discutons longuement de la situation politique du pays maintenant gouverné par un parti islamiste. Tous les jeunes que nous rencontrons sont extrêmement pessimistes vis-à-vis de cette situation. Ils ont l'impression que leur avenir est menacé et que leur pays recule, alors qu'il devrait progresser.

Pour notre troisième journée en Turquie, nous décidons d'arrêter de tourner autour du pot et nous enfilons les grands attraits touristiques. Nous visitons d'abord le palais Topkapi, lieu de résidence de nombreux sultans. Le palais est somptueux, mais nous manquons manifestement de notions en histoire turque pour apprécier pleinement la visite. Istanbul a beau être le berceau de grands empires, mais malheureusement nous n'avons pas eu droit à beaucoup de matière sur le sujet à l'école. Ensuite, nous nous dirigeons vers le musée Hagia Sophia, une immense cathédrale reconvertie en mosquée. Vu le prix d'entrée au-dessus de nos moyens, nous nous faisons la réflexion qu'il vaut mieux s'abstenir de visiter cette mosquée et qu'il vaut mieux faire croire aux gens que l'intérieur est très beau. Enfin, nous nous contentons de l'extérieur.


Quelques mètres plus loin, nous visitons l'emblématique mosquée bleue et ses six minarets. Rachel enfile une jupe longue, un voile sur les épaules et un autre sur la tête et nous entrons pieds nus admirer cette merveille pendant la prière de l'après-midi. L'intérieur est magnifique, mais ça sent les petits pieds. En fin de journée, nous errons dans Sultanahmet, le quartier de la vieille ville, où nous buvons notre xe thé de la journée.

Pour notre dernière journée, nous nous offrons les quartiers Taksim et Beyoglu dans la « nouvelle » ville. Nous déambulons aux côtés des locaux qui font du lèche-vitrine et prenons quelques clichés du vieux tramway toujours en service. En fin de journée, un vieil ami du frère à Guillaume et sa copine viennent nous rejoindre à la tour de Galata. Ils sont à Istanbul pour quelques mois et nous en profitons bien sûr pour aller prendre une bière. Nous sommes très heureux de l'invitation et commençons la soirée dans un excellent bar de Beyoglu. Nous passons ensuite à leur appartement situé dans un quartier vivant, mais relativement louche où un tank de la police monte la garde en permanence, juste à côté d'un gars qui respire de la colle et d'un petit rat qui montre son nez. Deux rues plus loin, la ville a décidé d'exproprier le quartier au complet, probablement pour bâtir des tours d'habitation affreuses ou un Disneyland, on verra. Nous relançons la soirée dans un bon restaurant qui confirme une fois de plus que nous mangeons très bien depuis notre arrivée en Turquie. Finalement, la soirée se termine au petit matin dans un bar de Taksim où nous rejoignons notre hôte qui réussit à convaincre Guillaume de manger un hot-dog avec un pain mouillé, une spécialité turque destinée aux fêtards qui ne savent plus ce qu'ils mangent.

Nous nous dirigeons maintenant vers le Népal après une nuit qui s'annonce confortable sur un banc d'aéroport aux Émirats arabes unis.

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