Les
Annapurnas
Le
trek des Annapurnas est l'un des grands classiques de la randonnée
dans le monde. En fait, il s'agit de sentiers jadis empruntés par
des marchands pour alimenter Kathmandou de produits en provenance du
Tibet. Il s'est alors développé une infrastructure de tea
house
afin que les marchands puissent s'arrêter pour manger, dormir et,
bien sûr, boire un thé en cours de route.
Aujourd'hui, les
marchandises passent plutôt par le port de Delhi en Inde et ce sont
les randonneurs qui ont pris la place des marchands sur les sentiers.
Les tea
house trek
népalais restent très intéressants puisqu'ils permettent aux
randonneurs de marcher pendant plusieurs jours sans avoir à traîner
un sac lourd chargé de nourriture et de matériel de camping. De
plus, les tea
house trek
offrent l'occasion de découvrir la culture locale en passant d'un
village à l'autre.
La
grande menace
L'enthousiasme
des randonneurs a pris un coup dur il y a quelques années lorsque le
gouvernement népalais a décidé de construire une route pour relier
les villages de la région qui souffraient d'isolement.
Tranquillement, le sentier a été remplacé par une route où les
jeeps soulèvent la poussière et klaxonnent systématiquement lors
de leur passage. Disons-le franchement, c'était l'arrêt de mort de
cette randonnée légendaire puisque personne ne souhaitait marcher
sur une route où passent même des autobus.
Heureusement,
un Allemand et un Népalais motivés ont décidé de baliser
d'anciens sentiers parallèles à la route afin de créer un nouveau
réseau à l'abri des inconvénients causés par celle-ci. Nous avons
donc utilisé la New
Annapurna Trekking Trail
(NATT) que nous recommandons chaleureusement et allons même jusqu'à
dire que le sentier des Annapurnas ne vaut pas la peine d'être
marché sans l'utilisation de ce guide pratique.
Notre arrivée au Népal
En matinée, nous atterrissons à Kathmandou au Népal, faisons la file pour obtenir notre visa et sortons marchander un taxi pour Thamel, le quartier touristique de la capitale. Première impression: le Népal nous fait penser à la Bolivie. C'est le chaos... exposant dix. Les véhicules se disputent la route, où cyclistes et piétons jouent leur vie au quotidien. Les rues sont étroites et bondées de commerces de tous genres.
Les Népalais sont forts sur la vente sous pression et ne se gênent pas pour venir jusque dans la rue pour nous inciter à acheter leurs babioles. Malgré ce petit côté agaçant, nous aimons bien le climat chaotique qui règne ici et les gens sont aimables et souriants. Nous passons peu de temps à Kathmandou, juste assez pour nous donner envie d'y revenir. Pour l'instant, c'est le trek autour des Annapurnas qui nous intéresse plus particulièrement.
Alors, nous mettons le cap vers Pokhara, la ville touristique la plus près des montagnes, qui offre tout ce que l'on a besoin pour faire un trek, made in China. Tout le pays est en fête, c'est Dashain. Il est donc plus difficile d'obtenir le permis pour le parc et des prix raisonnables. Nous faisons le tour des boutiques de vêtements de randonnée, des imitations des grandes marques qui sont de qualité variable. Enfin prêts, nous nous rendons en autobus local à Besi Sahar, la ville de départ du trek autour des Annapurnas.
Parcours de notre trek
Parcours de notre trek
Nous
nous levons tôt le matin pour prendre un autobus ou une jeep qui
nous mène au village voisin de Bhulbhule puisque nous voulons éviter
de marcher sur ce segment de la route peu attrayant. La recherche du
transport est, comme à l'habitude au Népal, laborieuse. Nous
finissons tout de même par nous rendre à destination et
entreprenons enfin la marche.
Nous sommes encore en basse altitude et
le soleil nous réchauffe rapidement. Nous sommes en pleine saison
sèche et les habitants s'affairent à ramasser le riz sur les
terrasses en bordure des montagnes. Nous commençons notre première
ascension vers le magnifique village de Bahundanda, perché sur une
colline. Nous nous demandons ce que nous faisons avec tous ces
vêtements chauds dans notre sac, alors que le soleil du midi et la
chaleur nous accablent.
Nous descendons et remontons pour atteindre
Ghermu où nous nous arrêtons pour prendre le thé en contemplant
une magnifique vue sur la chute de Syange de l'autre côté de la
vallée. Nous descendons ensuite à Syange et remontons à Jagat
(descendre et remonter, c'est une spécialité du trek des
Annapurnas) où nous nous arrêtons pour la nuit. De notre chambre,
nous avons une vue spectaculaire sur les montagnes des environs et
sur la rivière Marsyangdi Nadi.
Jour
2: Jagat (1300m) à Danakyu (2300m)
Nous
profitons des premiers sentiers alternatifs de la NATT qui sont
franchement magnifiques. Ils sont encore peu connus et rappellent ce
qu'était le sentier des Annapurnas il y a quelques décennies avant
l'arrivée du tourisme de masse. Nous croisons des Népalais qui
transportent des marchandises et plusieurs troupeaux d'animaux (des
ânes, des chevaux, des chèvres). La première montée de la journée
se fait avant Tal où nous sentons un changement de température.
Nous sommes fatigués et nous nous traînons les pieds jusqu'à
Danakyu.
Jour
3: Danakyu
(2300m) à Dhikur Pokhari (3060m)
Ça
y est, nous nous levons déjà avec une bonne douleur dans les
jambes, après seulement deux jours de trek. En marchant, nous voyons
les travailleurs qui finalisent certains segments de la route de
l'autre côté de la rivière. Pour la suite du trajet jusqu'à
Manang, les jeeps font place aux caravanes d'ânes. Pendant ce
trajet, nous quittons définitivement les paysages de basse altitude
et profitons pour la première fois des vues magnifiques sur des
sommets de plus de 7000m. La fin de journée est particulièrement
pénible pour nos pieds.
Jour
4: Dhikur
Pokhari (3060m) à Manang (3540m)
Aujourd'hui,
nous avons le choix entre le sentier facile qui passe par la route ou
le sentier alternatif qui monte dans les montagnes, promettant une
vue magnifique sur l'Annapurna II. Évidemment, nous choisissons la
deuxième option malgré les signes de fatigue envoyés par notre
corps. La journée commence à Upper Pisang où nous nous frayons un
chemin vers le monastère perché sur la montagne tout en haut du village. Nous sommes éblouis
par les paysages et, comble de bonheur, une vieille dame nous amène du thé au
citron que nous dégustons bien assis devant ce spectacle
incomparable.
Nous visitons le temple et reprenons la route où, ce
n'est pas un secret, les plans de marijuana peuplent les bords du
sentier. En effet, les chèvres enthousiastes mangent les plans et
transportent les graines, ce qui fait en sorte que les Annapurnas
forment un buffet à volonté pour ceux qui veulent mettre du piquant
dans leur trek.
Après Pisang, nous affrontons les poteaux
téléphoniques qui mènent à Ghyaru. Il s'agit d'une montée de
500m d'altitude sur une pente raide qui serpente autour de pylônes.
La montée est pénible et devient un point de référence tout au
long de notre trek: «C'est
moins l'enfer que les poteaux téléphoniques»
ou encore «La
prochaine montée représente le tiers des poteaux téléphoniques».
Évidemment, nos efforts sont récompensés par une vue imprenable sur les montagnes. Nous continuons sur la crête et, au village voisin, nous entreprenons une descente à la suite des conseils d'un groupe guidé. Nous nous rendons alors compte qu'il s'agit d'un raccourci qui mène vers la route et, en colère, nous remontons péniblement jusqu'au village pour rejoindre le sentier alternatif qui continue en montagnes. On n'a pas monté tout ça pour rien quand même! Bon choix. Nous visitons un monastère guidé par un moine sympathique et passons par des villages où les touristes se font rares.
Le temps avance rapidement et nos jambes ne peuvent plus
suivre. Malgré tout, nous arrivons bientôt à Manang avec une
journée d'avance sur l'itinéraire traditionnel même si nous
suivons des sentiers alternatifs qui allongent le trek. Nous savons
que nous aurons une journée de repos à Manang et nous souhaitons
absolument faire la grasse matinée. Alors, nous poussons jusqu'à
18h et nous arrivons comme des zombies dans cette ville située à
3500m.
Jour
5: Manang
(3540m)
Enfin
une journée de repos. Il faut dire que nous avons marché plusieurs
kilomètres déjà sur des terrains accidentés par moments et une dizaine de ponts suspendus plus hauts les uns que les autres. Nous avons de l'avance sur notre itinéraire. Nos souliers s'usent. Notre sac se fait lourd. Il est temps de prendre une pause.
Nous
sommes à 3500m. Pour des raisons de sécurité, il est recommandé
de prendre une journée de repos pour s'acclimater à l'altitude et
éviter les malaises. Même si nous avons de l'énergie, nous ne devons
pas dépasser 600m de dénivelés lors des prochaines journées.
Nous
sommes bien heureux de ne rien faire à Manang, si ce n'est que de
profiter d'un bon café, de brioches et de fromage de yak sur une terrasse
ensoleillée. Nous sommes satisfaits du fromage, il est goûteux et bien frais. Pour le café, ce n'est pas si mal, mais il ne faut pas s'attendre à des miracles en Asie. Nous faisons le plein et flânons dans le village.
Jour
6: Manang (3540m) à Ledar (4200m)
De
retour sur la route pour une petite journée de 3h. L'ambiance est
bonne et tout le monde prend son temps puisque la journée est
courte. Nous arrêtons prendre un jus d'argousier, riche en
vitamines. On sent pour la première fois les effets de l'altitude.
Rachel a la tête prise dans un étau et les poumons en feu. Arrivés
au tea
house à
Ledar,
nous sommes ravis de constater qu'il y a une immense tarte aux
pommes. Malheur à nous, un groupe d'Américains décide de se
l'approprier en entier.
Jour
7: Ledar (4200m) à High Camp (4833m)
Petite
journée, mais dure montée pour arriver au camp de base de Thorung
La. Pour les intéressés, c'est plus facile que les poteaux
téléphoniques! Nous nous reprenons pour la tarte aux pommes. Nous
sommes dans la bonne saison pour les pommes, elle est délicieuse. En
fin de journée, nous montons un sommet tout près et profitons d'une
vue à 360 degrés sur les pics enneigés.
À High Camp, nous passons
la nuit la plus froide. Par chance, nous avons pris chacun deux
couvertures supplémentaires en plus de notre sac de couchage.
Pendant la nuit, un rat se régale des snickers
de Guillaume. Nous ne pensions pas que des rats pouvaient survivre à
cette température glaciale.
Jour
8: High
Camp (4833m) à Thorung
La Pass (5416m)
à Muktinath (3760m)
Enfin,
c'est le jour J. Nous nous levons à 5h, déjeunons rapidement et
partons avec notre lampe frontale à l'assaut de Thorung La à 5416
mètres. Nous anticipons une montée extrêmement pénible et très
longue. Malgré tout, nous prenons un bon rythme de croisière et
dépassons beaucoup de randonneurs. Certains abandonnent et montent à
dos d'âne tandis que d'autres marchent à un rythme extrêmement
lent.
Guillaume, peu affecté par l'altitude, se lance un défi et
monte en flèche. Il arrive l'un des premiers après 1h15 de montée
(ce n'était pas supposé prendre 3h?). Rachel arrive quelques
minutes plus tard et nous dégustons un bon thé chaud en plus de
prendre quelques photos au sommet où nous avons une vue sur la
vallée de Mustang. Nous sommes très fiers, même si nous avons fait
pire (encore les poteaux téléphoniques).
Le froid nous presse à
redescendre. Quelle descente! Nous pensions que le pire était
derrière nous, mais nos genoux souffrent énormément lors de cette
descente de 4h. Nous arrivons finalement à Muktinath où nous posons
notre sac malgré l'heure. Il est à peine midi. Nous sortons sur la terrasse de notre auberge et passons l'après-midi à jaser, à boire du thé et à observer les randonneurs épuisés faire leur entrée dans le village.
Ça
y est, nos jambes refusent d'en prendre davantage. Il faut tout de
même nous lever. Malgré nos maux de jambes, nous empruntons encore
un chemin alternatif qui nous mène à Kagbeni. Les villages de
réfugiés tibétains valent le détour. Une Anglaise, que nous
rencontrons en chemin, nous explique en français la signification
des différentes représentations dans les temples bouddhistes.
Nous
finissons par une longue route de 2h au gros soleil et subissons pour
la première fois des rafales puissantes. Le moral en prend un coup.
À Kagbeni, nous n'avons pas le courage de poursuivre notre route.
Nous visitons un monastère et une école de jeunes moines bouddhistes et
profitons de la vue sur la jolie ville médiévale. En soirée, nous
noyons notre désarroi avec une bouteille de brandy aux pommes, la
spécialité locale.
Nous
pensions qu'une bonne nuit de sommeil réussirait à apaiser nos maux
de jambes. Ce n'est pas le cas! La journée commence tout de même du
bon pied et nous évitons le vent puissant qui se lève vers 11h.
Après Jomsom, une grande ville pas très charmante, nous décidons
d'emprunter un chemin alternatif afin d'éviter la route au maximum.
Nous montons sur une crête et le vent commence à se lever. Sur les
sentiers escarpés, nous commençons à redouter les puissants coups
de vent et nos jambes peinent à avancer. Nous progressons lentement,
alors que cette section de la randonnée n'est qu'une simple
formalité par la route. Crevés, nous arrêtons dans la magnifique
ville blanche de Marpha où Guillaume se laisse tenter par divers
cidres maison de qualité variable.
La
journée d'hier a été difficile dans le sentier alternatif, mais
nous continuons tout de même en passant par celui-ci. Il longe la
rivière du côté opposé de la route et, selon notre carte, des
ponts de bois permettent de rejoindre les villages de temps à autre.
Le sentier est tranquille et nous décidons de nous diriger sur
l'autre rive au premier village.
Dans le lit de la rivière, nous
cherchons en vain les fameux ponts de bois. Nous entreprenons alors
la traversée de la rivière glacée en enlevant nos chaussures, mais
nous rebroussons chemin dès que nous constatons que le courant est
trop fort. Complètement découragés, nous faisons demi-tour,
traversons le pont suspendu et empruntons la route puisqu'après onze
jours notre niveau de patience est limité. Heureusement, il reste
quelques bonnes surprises au cours du trek, comme le village de
Kalapani, certainement le mieux situé de la randonnée puisqu'il est
entouré de plusieurs massifs. Nous décidons de pousser jusqu'à
Ghasa où nous quittons les paysages montagneux pour arriver dans
une vallée verdoyante.
Dernière
journée et non la moindre. Nous donnons une dernière chance au
chemin alternatif et, cette fois, nous passons une journée agréable
sans heurts. Les enfants rencontrés dans les villages quémandent des sweats comme partout ailleurs dans le trek. Nous leur faisons des sourires, sans plus, et poursuivons notre route. Nous marchons lentement et contemplons les nombreuses
chutes sur notre route. Enfin arrivés à Tatopani, nous prenons une
chambre et cueillons quelques oranges dans le jardin de notre
auberge. Nous offrons une bonne récompense à nos jambes mortes en
faisant trempette dans les sources d'eau chaude du village.
Mission
accomplie! Maintenant, la jungle à Bardia.
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